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Le courrier des entreprises

Valises ou colis perdus : les nouvelles filières de l’achat à l’aveugle

Popularisée par les réseaux sociaux, la vente de « colis mystères », de palettes Amazon et de bagages perdus séduit de plus en plus de consommateurs en quête de bonnes affaires et de surprises. Pour les colis, le principe est simple : acheter un carton au poids sans savoir ce qu’il y a à l’intérieur. Trouver de beaux bijoux pour une poignée de pièces ou tomber sur un lourd pavé de 300 pages pour un gros billet, nombreux ont tenté l’expérience. Les valises, elles, s’achètent à l’unité. Un business opaque dont la trace est difficile à suivre.

Face à la montée en puissance du e-commerce, le volume des colis NPAI (n’habite pas à l’adresse indiquée) a considérablement augmenté en Europe, entrainant une saturation des infrastructures logistiques. Confrontés à cette problématique, de nombreux transporteurs étaient contraints de détruire leurs colis retournés afin de maintenir leur efficacité opérationnelle. C’est aux États-Unis qu’est née la vente de colis perdus, écueil de la surconsommation.

En France, depuis quelques mois, de nombreuses boutiques de colis NPAI fleurissent , souvent éphémères. Il y a aussi des événements ponctuels sur les marchés ou dans les centres commerciaux. Récemment, l’Auvergne a, par exemple, accueilli ce concept à Aurillac, à Montluçon ou à Issoire.

Par où passent nos colis pour atterrir sur les marchés ?

Quand la marchandise n’est pas réceptionnée, elle retourne chez le transporteur. Les causes de ces non-distributions peuvent être variées : adresses incorrectes, colis non réclamés ou colis orphelin (retour trop cher pour l’expéditeur). En France, l’article 35 de la loi AGEC (Anti-Gaspillage pour une Économie Circulaire) du 1er janvier 2022, interdit aux producteurs, importateurs et distributeurs de détruire les invendus non-alimentaires. Les transporteurs privés deviennent ainsi propriétaires des cartons non-distribués, sans réclamation après 30 jours. Ils les vendent à des sociétés spécialisées comme Flamingo Box, Percheshop.com, Lost and Found, etc. Ces sociétés les achètent à la tonne et les marchandent, à leurs tours, à des distributeurs que vous croisez sur les marchés, entre les courgettes et les saucissons, ou dans des boutiques. Le cheminement du colis reste flou avec parfois des intermédiaires supplémentaires. Les logisticiens en tirent un bénéfice.

Il en est de même pour les valises égarées non réclamées. En 2022, dans le monde, 26 millions de valises ont été perdues, endommagées ou en retard, selon une étude de la Société internationale de télécommunication aéronautique. Il existe des sites, comme Rakuten ou Barnebys, sur lesquels vous pouvez acheter les bagages non-réclamés . Le créateur de Unclaimed baggage Center a signé un accord avec les compagnies aériennes américaines et revend, à prix modique, vêtements, bijoux, appareils photo : tout ce qui peut se trouver dans une valise !

Il est possible d’acheter des palettes de colis directement sur le site Amazon. « Mystery box » ou « Palette de colis », ces annonces proposent un contenu à bas prix avec des photos très alléchantes . Attention, ce ne sont pas des produits issus d’Amazon ! Ce sont des vendeurs hébergés par le géant, qui vendent ces cartons… les avis clients sont très négatifs et ne dépassent pas une étoile. De la publicité mensongère qui s’apparente à des arnaques. Il est tout de même possible d’acheter des produits du stock Amazon par le biais de Amazon Liquidations Auctions, plateforme gérée par ce dernier, proposant des enchères en ligne pour les articles invendus. D’autres sites en ligne vendent des palettes Amazon comme Merkandi, Direct Liquidation ou Liquidation.com. Ils proposent des enchères ou des ventes directes. Ce sont, par ailleurs, des sites très transparents : possibilité de voir la palette vendue en photo, estimation des produits contenus…

Nous avons essayé de joindre de nombreux transporteurs français pour en savoir plus sur la revente de colis. La direction est à chaque fois injoignable. Chronopost dément vendre ces colis aux sociétés spécialisées et assurent renvoyer la marchandise à l’expéditeur. Mondial Relay reste plus flou sur le devenir des colis non distribués, qu’il assure, tout de même, ne pas revendre. Mais alors qui revend les colis que nous retrouvons sur le marché ? 

Nous avons posé la question à ces sociétés spécialisées

Seulement deux revendeurs ont accepté de répondre à nos questions. Ils expliquent se fournir directement auprès des logisticiens d’Europe, mais pas de France et confirment la réticence des transporteurs français. L’un deux est malgré tout en pourparlers avec Mondial Relay et nous confie que certains stockeraient leurs colis « avec parfois 1 cm de poussière dessus ». N’y l’un, ni l’autre n’ont souhaité nous dévoiler leurs partenaires. Le sujet semble sensible, si l’on en croit l’omerta que nous rencontrons pendant notre enquête.

Que font les transporteurs de leurs colis non-distribués ?, Cette question ne pourra pas être résolue…

Recèle et arnaques

Quand certains sites sont là uniquement pour encaisser l’argent. D’autres envoient quand même des colis, montés de toute pièce par le marchand, remplis de babioles sans valeur et revendus entre 10 et 15 euros le kilo.

Même scénario du côté des logisticiens : les malversations peuvent être nombreuses, comme l’arrachage des étiquettes ou le vol de colis pour les revendre. 

Nous avons joint les autorités que nous imaginions compétentes. La douane ne s’en occupe visiblement pas, ni la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répressions des Fraudes), ni la DGITM (Direction Général des Infrastructures, des Transports et des mobilités). Le ministère de l’Intérieur, ainsi que la Gendarmerie Nationale ne semblent pas intéressés par le sujet et sont incapables de répondre à nos questions. La surveillance n’est apparemment pas au point…  

Un business très lucratif 

Vendre des articles plutôt que de les détruire, peut sembler vertueux au point de vue écologique (faut-il encore que tout le monde le fasse). de nouvelles entreprises y voit des opportunités commerciales et un nouveau marché. Les processus logistiques et commerciaux autour de cette activité nécessitent du personnel, créant ainsi des emplois.

Le nombre grandissant de sites et d’événements de vente de NPAI témoigne d’un business rentable. Ce que confirme un revendeur « Dans une bonne journée, on peut faire entre 7 000 et 9 000 €, quand c’est plus calme, on est plutôt autour de 3 000 €. »

Attention, lorsque vous achetez un colis mystère, vous acceptez le risque ou l’aléa, vous ne pouvez donc exiger du vendeur ni garantie, ni remboursement.

Dans tous les cas, la prudence est de mise…

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Lou Courbon

Rédactrice pour Le Courrier des Entreprises
contact@lecourrierdesentreprises.fr
Tel 07 81 84 07 30

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