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Insolite : Astérix explique l’économie

En pays Arverne, nous sommes très attachés aux aventures du petit Gaulois, de son copain porteur de menhir, et, en fait, de tout son village. La Cité de l’Économie à Paris (Citéco), le Premier musée interactif d’Europe dédié à l’économie, a eu la bonne idée d’inviter le Gaulois et ses amis pour nous proposer une leçon d’économie passionnante et ludique, jusqu’à fin avril, à travers les rencontres qu’ils font dans les albums de bande dessinée.

Astérix et les irréductibles Gaulois ne sont décidément jamais là où on les attend !

L’exposition immersive et participative invite à mieux saisir les grands concepts économiques à travers les aventures d’Astérix, tout en s’amusant ! Citéco vous invite à passer à la loupe les albums de cet immense succès (393 millions d’albums vendus dans le monde) et de découvrir au fil des pages et des cases, de nombreux thèmes économiques de façon ludique à travers jeux, films, dispositifs sensoriels, applications numériques et autres quiz.

Quelques questions posées aux conseillers scientifiques de l’exposition

Annie Collognat, que pouvez-vous nous dire sur l’économie en -50 avant JC ?

« Commençons par tordre le cou à une idée reçue : non, Jules César n’est pas le premier empereur – et n’a jamais été empereur – de Rome, même s’il avait sans doute des rêves de toute puissance. C’est son petit-neveu Octave, devenu son fils adoptif, qui inaugurera un nouveau régime lui permettant de concentrer tous les pouvoirs – le principat que nous nommons Empire – avec le titre d’Auguste (« consacré par les dieux ») que lui accorde le Sénat en 27 avant J.-C. À l’époque républicaine, les charges de la vie commune – impôts, administration, défense – sont réparties entre les citoyens romains dans le cadre des affaires publiques (la res publica), c’est-à-dire l’État. Au fil de ses conquêtes (IIIe – Ier siècle avant notre ère), Rome pratique une économie de prédation : elle s’enrichit en pillant les ressources des territoires soumis, transformés en provinces. Également, la balance commerciale est en déficit : Rome n’exporte pratiquement rien tandis qu’elle importe non seulement des produits manufacturés, mais aussi des denrées alimentaires (en particulier le blé) venant de tout son empire. Ce déficit est comblé par les impôts, les tributs, l’usure des prêts : Rome paie ses achats dans les provinces avec l’argent qu’elle leur extorque. »

Didier Pasamonik, en quoi une BD comme Astérix constitue-t-elle un excellent support pédagogique pour parler d’économie ?

« Astérix est une œuvre polysémique, transgénérationnelle et universelle. La preuve ? Créée en 1959, elle a été traduite en 117 langues et dialectes, dont le japonais et le chinois, des peuples qui a priori n’ont pas grand-chose à voir avec nos « ancêtres » les Gaulois ! La force d’Astérix, c’est qu’au-delà du récit qui nous est offert, de ses situations et des dialogues génialement créés par René Goscinny, Albert Uderzo et leurs successeurs, Astérix nous raconte sans cesse de nouvelles choses sous l’éclairage mouvant de l’esprit du temps. C’est une étude de mœurs en même temps qu’un décryptage décalé de notre environnement historique, social et culturel qui aiguise notre esprit critique par le biais de l’humour. Sa cible principale ? Les clichés. Et en économie, ceux-ci ne manquent pas ! En empruntant une lecture économique de ses aventures, on réouvre les albums avec un nouveau regard, dans une redécouverte perpétuelle ! »

Christian Chavagneux, les aventures d’Astérix sont-elles un parfait manuel pour la compréhension des notions de sciences économiques ?

« Lorsqu’ils ont créé Astérix et son joyeux village, René Goscinny et Albert Uderzo n’entendaient pas donner de cours d’économie ! Mais relisez les albums, vous serez surpris de découvrir combien ils avaient saisi la montée en puissance du discours économique, souvent dissimulé derrière un jargon technique dont ils se moquent à profusion dans Obélix et Compagnie. En plongeant dans les nombreuses aventures, on découvre des choses sur le rôle social de l’argent, les impôts et l’évasion fiscale (Astérix et le chaudron) – sans oublier les coffres forts suisses ! – la critique du marketing et de la pub revient souvent, les problèmes de dopage liés aux grands évènements sportifs (Astérix aux jeux Olympiques), la bureaucratisation des grandes multinationales dans Le bouclier Arverne, etc. Astérix ne défend aucune théorie économique particulière, il fait ce qu’il sait bien faire : se moquer avec humour de l’air du temps. Et comme les économistes et leurs débats y ont pris place, ils sont victimes de l’ironie gauloise. Ça nous amuse et ça nous instruit ! »

Depuis sa création en 1959, avec une grande acuité et beaucoup de drôlerie René Goscinny et Albert Uderzo, fins observateurs de leurs contemporains, se sont amusés à décrire nos rapports avec de nombreux phénomènes économiques – parfois de façon évidente, parfois plus discrètement. En effet, une des grandes forces de cette œuvre est les multiples niveaux de lecture où les références et clins d’œil sont légions (non-romaines !) toujours pour rire ou sourire, souvent pour apprendre. L’exposition prolonge ce principe en proposant de voyager dans les albums et de décrypter au fil des pages neuf thèmes économiques organisés en trois espaces successifs : « Le Village », « La Cité Romaine », et « Le Monde connu ».

Découvrons les thèmes gaulois abordés par l’exposition

Le village d’Astérix, on connaît ! La maison d’Astérix et Obélix, celle d’Assurancetourix perchée en haut d’un arbre, la forge de Cétautomatix, l’échoppe d’Ordralfabétix… C’est aussi le premier espace économique de la série. Comment y échange-t-on et avec quelle monnaie ? Quelles sont les structures sociales qui l’organisent ? Quelle est la place de la nature dans le monde économique ?

Guidé par Ordralfabétix, le plus célèbre des poissonniers gaulois – qui, rappelons-le, importe ses propres poissons depuis Lutèce ! – et à travers l’album Obélix et Compagnie (1976), le visiteur se familiarise avec les notions de circulation monétaire et de développement des échanges marchands de l’époque gallo-romaine, tout en observant des pièces de monnaies originales issues des collections de la Banque de France et provenant de différents pays du pourtour méditerranéen.

Ordralfabétix ne serait rien sans son ami concurrent Cétautomatix, un des rares travailleurs visibles dans le village, toujours assidu à sa forge. C’est ce personnage, qui amène le public à s’intéresser à la thématique « Le travail, c’est la santé », notamment à travers l’album Le Domaine des dieux (1971) dans lequel les auteurs ont su développer ici un regard aigu sur les relations au travail, sa nature, l’aliénation qui en découle, son organisation et les liens de subordination, sa rémunération… avec les clichés et les travers de la société française.

Enfin, qui d’autre que Panoramix, pour incarner le thème de la place de la nature dans l’économie ?  Notre druide préféré, autorité morale du village chargée de la justice et de la santé, est conscient du caractère sacré de l’équilibre naturel, la forêt fournissant à la communauté nourriture, bois de construction et ingrédients de potion magique ! Dans Le Domaine des dieux, Il invente des graines magiques qui font instantanément repousser les arbres déracinés, victimes d’une surexploitation de la nature. Dans cette partie, les enjeux écologiques contemporains s’immiscent dans la visite qui devient expérience sensorielle : petits et grands pourront reconnaitre les odeurs de la campagne, souvent évoquées par les auteurs en compagnie d’Idéfix toujours présent et veillant à ce que les Romains ne coupent pas les arbres.

Et les romains dans tout ça ?

Le monde romain bouleverse le rapport à l’Économie, qui est contrôlée par un pouvoir central. L’autorité prend les décisions en matière politique, militaire et administrative, décide de l’impôt et des grandes orientations économiques, au travers de provinces dirigées par des gouverneurs nommés par le Sénat. Ces gouverneurs sont responsables de l’administration, de la collecte des impôts, du maintien de l’ordre et de la défense. La cité ou l’État, c’est toute une organisation…

Cette deuxième partie de l’exposition commence par s’intéresser au marché et à l’État. À travers le personnage de César – représentant de l’État régulateur du marché – et de Obélix et compagnie, les publics se familiarisent avec ces notions à travers de nombreux exemples issus de l’album : pourquoi César, qui reçoit le représentant de l’industrie du menhir romain, doit-il composer avec lui ? Ce dernier veut prendre sa part du nouveau marché. Mais, pour mener sa politique de colonisation de la Gaule, César doit interdire la production romaine de menhirs. L’entrepreneur romain réagit en bloquant l’économie avec une manifestation. En 1976, traiter en BD avec humour l’inflation et l’intervention de l’État, dans un album pour les petits et les grands, c’est novateur et audacieux !

Caïus Saugrenus, figure même du technocrate, s’immisce dans l’exposition et donne des pistes de réflexion sur le thème L’entreprise moderne : entre technocratie et bureaucratie ?  : Dans Obélix et Compagnie, il est le conseiller de César qui stimule la création d’entreprise et l’introduction de l’économie marchande dans le village des irréductibles, créant un véritable bouleversement jusqu’à Rome, qui sera affectée par une crise spéculative sur le menhir. Obélix et compagnie permet d’introduire la figure du technocrate et le pilotage économique interventionniste de l’État. L’album est publié en 1976, trois ans après le premier choc pétrolier ; il intègre le passage de trente années de croissance à une situation de crise économique.

À travers le personnage de Claudius Cornedurus – champion choisi par Rome pour les Jeux Olympiques – l’exposition répond aux questions : Le sport de haut niveau peut-il être éthique ? Quel est son rôle dans l’arène économique ? En 1968, ce sont les Jeux Olympiques d’hiver qui se déroulent dans l’Hexagone, tandis que les Jeux Olympiques d’été ont lieu à Mexico. C’est aussi l’année où Astérix aux jeux Olympiques a été publié… L’occasion, une fois encore, de se moquer du chauvinisme qu’encourage ce genre de manifestation. Plus tard, dans Astérix et la Transitalique (2017), Jean-Yves Ferri et Didier Conrad mettent l’accent sur le financement des jeux sponsorisés par une grande marque (le Garum Lupus) dont la communication s’affiche partout sur le parcours : l’illustration parfaite, tout en humour, du « sport-spectacle ».

Astérix confronté au reste du monde

À son apogée, au IIe siècle après notre ère, l’empire romain (Astérix se déroule avant sa constitution, dans les dernières années de la République) recouvre tout le monde connu, c’est-à-dire l’Europe et sa périphérie sud et moyen-orientale. L’organisation économique d’un empire aussi vaste passe par l’établissement d’un marché commun, de l’Angleterre à l’Espagne, de la Grèce à l’Égypte, contrôlant notamment à sa frontière orientale la route de la soie. Ce brassage des cultures et des marchandises a permis de partager ou d’importer les innovations techniques et culturelles dans une grande zone, stimulée par les échanges commerciaux internes et externes. C’est la Pax Romana. Mais cela ne se fait pas sans quelques dégâts.

L’exposition s’intéresse ici aux notions de croissance et de développement, à travers le personnage d’Anglaigus, l’urbaniste brillant du Domaine des dieux qui a compris que la “Pax Romana”, facteur de développement, passait par ce que l’on nomme aujourd’hui l’aménagement du territoire. René Goscinny et Albert Uderzo portent leur regard sur un monde qui bouge. L’album est une réflexion sur l’urbanisation – vrai sujet pour nos auteurs au début des années 1970. Cette partie évoque donc aussi bien l’aménagement du territoire, la croissance, les infrastructures et leurs rapports aux villes et aux campagnes, le tourisme, l’aspect offre et demande, le tout orchestré par des moyens de communication efficaces.

Bien que la piraterie ait été un vrai sujet pour le monde romain, elle représente tous ceux qui défient la loi : escrocs (Le Devin, 1972), magistrats corrompus (Astérix chez les Helvètes, 1970), hommes politiques véreux (La Serpe d’or, 1962), colporteurs de rumeurs (La Zizanie, 1970). Les pirates de l’économie profitent du système, ou plus simplement de la crédulité des gens, pour amasser une fortune ou constituer une économie de l’ombre qui sape littéralement le système en place. Qui d’autre que Barbe Rouge pour incarner les dérives de l’économie ? Un jeu de bataille navale interactif est proposé aux visiteurs, qui doivent, en duo, faire couler les bateaux pirates – symbolisant l’économie souterraine – sans endommager les bateaux de commerce.

Pour finir, la thématique des échanges internationaux est évoquée à travers le personnage d’Épidemaïs  – commerçant phénicien et entrepreneur habile qui réussit à embrouiller ses « associés » en les transformant en galériens condamnés à ramer pour ne pas couler l’entreprise et vit avec bonheur des échanges internationaux. Au fil des albums, c’est tout le monde connu qui est dépeint dans les voyages des héros gaulois, l’occasion pour eux d’utiliser tous les moyens de transport possibles, de croiser les peuples voisins et de s’étonner de leurs cultures. Comme dirait Epidemaïs, « on est tous dans le même bateau économique ! ». Tradition de fins d’albums, les visiteurs se retrouvent autour de la grande table du banquet, pour un quiz sur les voyages d’Astérix.

 

L’exposition « L’Économie selon Astérix » se tient jusqu’au 21 avril 2024

Citéco – La Cité de l’Economie – 1, place du Général Catroux – PARIS 17

Il est conseillé de réserver son billet, par Toutatis ! c’est ICI

(Visuels : ASTÉRIX® – OBÉLIX® – IDÉFIX® / © 2023 LES ÉDITIONS ALBERT RENÉ)

 

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Pierre-Edouard Laigo

Rédacteur en Chef
pierre-edouard.laigo@lecourrierdesentreprises.fr
port. 06 59 056 026

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