Le courrier des entreprises

Deux auvergnats à la barre des futurs voiliers

Deux de nos fleurons industriels innovent dans des solutions dans le vent : Michelin planche sur une voile gonflable capable de mouvoir des énormes navires de transport maritime et le thiernois Wichard apporte son expertise au projet Solid Sail de propulsion vélique destinée aux paquebots de croisière et navires de commerce.

Michelin dévoile une aile gonflable et rétractable pour les navires

Notre géant international du pneu a profité de son événement Movin’On 2021, sommet mondial de la mobilité durable, pour présenter une innovation visant à réduire l’empreinte carbone du transport maritime.

Michelin sort de ses sentiers battus et confirme sa volonté de diversifier ses activités en présentant un projet d’aile gonflable et rétractable pour les navires marchands et de plaisance. Le groupe français a profité de son événement Movin’On 2021, sommet mondial de la mobilité durable qui réunit 300 organisations, pour dévoiler WISAMO (pour Wing Sails et Mobility) dont l’objectif est de favoriser une mobilité maritime ayant moins d’impact sur la planète.

Née d’une rencontre entre la Recherche & Développement Michelin et deux inventeurs suisses, l’aile « au design révolutionnaire » utilise la propulsion du vent et « permettra de diminuer la consommation de carburant et d’avoir ainsi un impact environnemental positif en réduisant les émissions de CO2 », avance Michelin. Elle pourra être installée sur la majorité des navires marchands et bateaux de plaisance.

Jusqu’à 20% d’économies de carburant

« Particulièrement adaptée aux rouliers, vraquiers, gaziers et pétroliers, cette aile pourra être installée au moment de la conception du bateau, en équipement d’origine, ou en rétrofit sur un navire déjà opérationnel » poursuit l’industriel français « l’aile possède une large plage d’utilisation, notamment au « près » (vent de face), lui permettant d’avoir un spectre d’utilisation parmi les plus larges du marché. L’aile pourra être utilisée sur toutes les voies maritimes. Rétractable, elle facilitera les arrivées portuaires et le passage sous les ponts. Elle permettra un gain en carburant pouvant aller jusqu’à 20% par navire ». Ce gain sera néanmoins variable en fonction du type de bateau, de sa route, ou des conditions météorologiques, précise le groupe.

Michelin s’est également associé à Michel Desjoyaux, skipper de renom qui est ambassadeur du projet. De quoi permettre « aux équipes de recherche de Michelin d’en parfaire la mise au point ». « Les retours et connaissances techniques de ce navigateur expérimenté permettront de la tester dans des conditions réelles et applicables au transport maritime », souligne l’entreprise.

Une industrialisation dès 2022

« L’avantage de la propulsion vélique est que l’énergie du vent est propre, gratuite et universelle. De plus, cette énergie ne fait pas l’objet de polémique. Son utilisation est plus que prometteuse pour améliorer l’impact environnemental des navires marchands », commente le skipper Michel Desjoyaux.

Un premier bateau de transport maritime sera équipé courant 2022. Et Michelin compte aller vite dans la commercialisation de cet équipement puisqu’il prévoit une industrialisation la même année, à la suite des phases de tests.

Le projet confirme donc la volonté du groupe de fonder une partie de sa croissance sur le développement d’activités nouvelles alors que le marché du pneumatique, qui suit déjà une faible dynamique, est pris d’assaut par les concurrents asiatiques.

« Notre raison d’être c’est d’offrir à chacun une meilleure façon d’avancer et pour cela le pneumatique est un objet formidable », a expliqué Florent Menegaux, PDG du groupe, mais « nous cherchons en permanence à savoir comment nous allons travailler à une meilleure mobilité » et « à comment nos métiers vont évoluer demain ».

 

Solid Sail, voile en composite, pliable, d’une surface  totale de 1200 m2.

Dans toutes les étapes de son développement et de sa diversification, le groupe Wichard, qui excelle dans de multiples secteurs, a comme dénominateur commun que toutes pièces peuvent être soumises à une forte contrainte mécanique, donc d’être très résistantes.

En 1970 l’ancien forgeron a eu l’idée géniale d’utiliser le savoir-faire de la société pour faire de l’inox forgé : c’est-à-dire combiner la force structurelle de l’acier avec la résistance anticorrosion. Pour Jean-Claude Ibos, pdg du groupe « L’accastillage en inox forgé reste une niche, mais on en profite toujours et on se développe efficacement. Aujourd’hui l’activité nautisme c’est 70%, et le métier historique de Wichard pour la forge 30% ».

Parlez nous de cette innovation Solid Sail

« Les voiles sont des panneaux fixés ensemble, qui s’articulent comme un accordéon », explique Jean-Claude Ibos. Avec un mât de 90 mètres de haut, 2 mètres de diamètre et une voile de 1 200 m2, le carbone permet d’obtenir une structure rigide et solide en limitant le poids du dispositif. D’autres problématiques se posent également : « Avec un mât de 80 à 90 mètres, le paquebot ne peut pas passer sous les ponts. » Un dispositif a alors été développé pour faire basculer le mât à 70 degrés. « C’est nécessaire pour parvenir à certaines zones touristiques. »

Une production en partie puydomoise

Pour construire le mât et les voiles, de nombreuses pièces vont être assemblées. Une partie du gréement est fabriquée à Thiers, dans l’entreprise Wichard : « Sur un mât, il y a un rail qui monte tout en haut, avec des chariots qui coulissent et qui montent la voile. Nous fabriquons le rail et les chariots, ainsi que certaines poulies. »

Pour Jean-Claude Ibos « Nous sommes enthousiastes à l’idée de participer à ce projet novateur et ambitieux qui fédère le savoir-faire des industries marines et nautiques françaises en s’appuyant sur des entreprises locales. Cela permettra à notre filière de continuer à rayonner sur ces secteurs à forte valeur ajoutée ».